Le sol français est en danger.
D’après le ministère du Développement durable, 600 km2 de terres sont
artificialisées chaque année en France, soit l’équivalent d’un département tous
les dix ans. Le sort des sols agricoles n’est pas plus enviable : labourés,
tassés, surexploités, ils s’affaiblissent et disparaissent à vitesse grand V.
En tout, pas moins de 26 m2 de sols fertiles disparaissent chaque seconde en
France.
On commence à peine à réaliser la
gravité du phénomène. Pour arrêter l’hémorragie, quelques élus tentent de
limiter l’étalement urbain tandis que certains agriculteurs pratiquent la
culture sans labour. Et puis il y a ceux qui essayent de créer du sol.
La lumière ou la mort
Pour comprendre ce projet un peu fou,
il faut observer la nature, en l’occurrence les forêts. Le biologiste Francis
Hallé explique dans le film « Il était une forêt » qu’il faut un processus long
de sept siècles pour donner naissance à une forêt primaire.
Dans son génial livre « Un an dans la
vie d’une forêt », le biologiste David Haskell détaille l’enchaînement de
compétitions et de coopérations entre espèces qui aboutit à la création de cet
écosystème.
Il raconte longuement la lutte entre
végétaux qui cherchent à s’élever les uns au-dessus des autres, les gagnants
accédant à la lumière voire à la canopée, les perdants mourant avant d’être
décomposés par des insectes et des champignons... ce qui va enrichir le sol et
créer ce tapis d’humus qui fait des forêts l’écosystème le plus fertile qui
soit.
David Haskell tire ces conclusions :
« Après sa mort, un arbre apporte
pour moitié au moins encore sa contribution à l’entretien de la trame de la vie
; ainsi, la densité des carcasses d’arbres est une bonne mesure de la vitalité
d’un écosystème forestier. Vous êtes dans une forêt florissante si vous
n’arrivez pas à suivre un chemin en ligne droite entre les branches et les
troncs morts. Un sol dégagé est signe de mauvaise santé. »
Rien de tel donc qu’une forêt pour
enrichir et créer du sol. Les jardiniers naturels tentent donc de reproduire un
cycle similaire, en suivant les trois principes suivants.
1 Le sol, jamais tu ne retourneras
Sans bêche, le monde serait meilleur.
C’est ce que pensent nombre d’agronomes, qui rappellent que la plupart des
organismes vivant dans le sol se trouvent dans les deux-trois premiers
centimètres, là où les concentrations en matières organiques et en racines sont
les plus élevées. En retournant la terre, on menace cette faune, qu’on appelle
la pédofaune.
Quand on le laboure, le sol perd sa
structure, sa vie, il devient perméable, s’assèche dès les premiers rayons de
soleil et disparaît littéralement quand viennent les pluies, comme le montre
cette vidéo incroyable ci-dessous.
Première étape pour un jardinier qui
souhaite préserver du sol : dire au revoir à sa bêche. Les plus consciencieux
pourront utiliser une grelinette, qui aère les sols. Les plus paresseux (c’est
un compliment) laisseront les vers faire le boulot (voir point 3).
2 Le sol jamais nu, tu ne
laisseras
« Les seuls endroits sur Terre où
le sol est nu sont les déserts et les glaciers. »
Cette image frappante, souvent
martelée par les spécialistes du sol Lydia et Claude Bourguignon, rappelle que
pour favoriser la naissance d’un sol – on l’appelle la pédogenèse –, il faut le
couvrir.
Plusieurs techniques pour ce faire, à
commencer par le paillage. Cela consiste à étendre de la paille, du compost
bien mûr ou de l’herbe séchée au pied des plantes et/ou sur de grandes
surfaces. Cela va réchauffer le sol, préserver son humidité, mais aussi accueillir
de nombreux organismes vivants. Ce sont eux qui vont consommer et transformer
les végétaux déposés par vos soins en un humus qui recouvrira bientôt vos parcelles
d’une couche fertile.
Les plus motivés testeront la méthode
dite BRF, pour bois raméal fragmenté. Cela consiste à broyer des petites
branches à l’automne, période à laquelle les bois ont accumulé le plus de
nutriments, et à étendre le tout sur le sol. Cela va permettre le démarrage
d’une chaîne alimentaire complexe entre les champignons, le broyat et les
racines des plantes. La vie, quoi.
3 Les vers de terre, tu chériras
« Trois tonnes de vers de terre à
l’hectare, ça vous remue 280 tonnes de terre. Pendant ce temps-là, vous n’avez
pas besoin de labourer. »
A l’issue de la Conférence
environnementale, en novembre dernier, le ministre de l’Agriculture Stéphane le
Foll s’était fait remarquer en faisant l’éloge des vers de terre. En mangeant
les déchets de surface et en les ramenant sous le sol, les vers enrichissent la
terre. En creusant des galeries, ils l’aèrent. En prime, à l’échelle mondiale,
ils ont une importance cruciale dans le stockage du carbone dans le sol. Sans
eux, il faudrait que les jardiniers et agriculteurs travaillent plus et le
climat s’en porterait encore moins bien.
Pour comptabiliser les vers des sols,
le CNRS et l’université de Rennes ont lancé en 2011 une expérience de sciences
participatives. La méthodologie consiste à arroser le sol d’une solution de
moutarde diluée, à récolter et identifier les vers qui remontent à la surface.
Avant de les nettoyer pour les libérer. Veillez à tenter l’expérience par une
matinée humide et froide : mon essai par une fin d’après-midi de mai fut un
échec retentissant.
Les résultats des prélèvements
réalisés les années précédentes confirment les dangers du labour : on y trouve
au moins trois fois moins de vers de terre.
Pour voir des vers et transformer vos
déchets en compost sans pour autant sortir votre pot de moutarde, reste la
solution lombricompost. Inutile d’acheter des vers ni un lombricomposteur clé
en main. Un petit tour sur le réseau social Carte |
Plus2vers et un peu de bricolage sur une caisse pour poissonnier ou des
bacs gerbables fera l’affaire.
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